De Paris à Pontoise, en passant par Franconville
par Allain Prigent
A travers les siècles, la situation de Franconville est toujours apparue comme un lieu de passage entre Paris, Pontoise et la mer. En sont témoins la Chaussée Jules César, la route nationale et plus récemment l’autoroute, sans oublier le réseau ferré destiné à l’origine pour rejoindre Bruxelles. |
A l’époque gauloise
Un chemin venant de Paris passant par Asnières et Argenteuil, franchissant par deux fois la Seine par bacs, traversait Sannois puis contournait les marécages et vasières de Franconville, par le flanc de la colline pour se diriger vers Pontoise par la plaine de Pierrelaye. Les premiers habitants se situaient rue de Cormeilles, loin des risques d’inondations.
Après la conquête gauloise, les romains feront un réseau routier. L’empereur Auguste décide du tracé d’une chaussée de Lutèce vers la mer, elle passera dans la plaine de Franconville. Construite par Agrippa, gendre d’Auguste, dans les années 11 et 12 de notre ère, elle part de Lutèce, traverse Saint Denis et contourne la boucle de la Seine pour se diriger vers Franconville.
Suite aux invasions barbares, les Francs et autres tribus s’installent sur le flanc de la colline, dans la zone de la rue de Cormeilles actuelle, recherchant ainsi un but de protection et la présence de sources. Dès le haut Moyen Âge, l’abbaye de Saint Denis étend ses pouvoirs sur le domaine de Franconville, nommé «le clos Saint Denis». Pour faciliter les échanges avec l’abbaye, suite à l’assainissement des sols, il est ouvert une voie au bas de la colline pour rejoindre Saint Denis. Elle se prolonge jusqu’à Pontoise par l’ancien chemin gaulois. Franconville devient un village qui s’étire le long de cette nouvelle voie. Au XII° siècle, elle devient très fréquentée et le trafic important favorise l’essor du pays.
Un péage appelé "travers" sera installé. Il constitue pour la châtellenie de Montmorency, dont dépend le fief de Franconville, un revenu des plus lucratifs. Ce "travers" sera supprimé à la révolution.
De 1422 à 1832
Au début du XIV° siècle, durant trente années, le village se vide . La route ne sert qu’aux armées et brigands.
Le 31 août 1422, le cortège funèbre du roi Henri V d’Angleterre passe par Franconville, après la célébration à Saint Denis de ses obsèques, pour le mener en Angleterre.
En 1588, le village demande l’autorisation de s’enfermer pour se protéger des pillards. Il y a ainsi une porte à chaque extrémité du village. Elles seront présentes jusqu’à la fin du XVIII° siècle.
Jusqu’en 1675, à partir de la côte Saint Marc, pour se rendre à Pontoise, on devait suivre le grand chemin de Conflans puis suivre à travers champs le chemin de Saint-Ouen l’Aumône. C’est à compter de cette date, que fut terminée la "voie nouvelle" en ligne droite en direction de Pontoise. Elle va attirer un trafic important et la création de nombreuses auberges dont certaines seront "relais postal", ainsi que des artisans maréchaux-ferrants, charrons, bourreliers. Franconville est située à 11000 toises soit 21 km du parvis de Notre Dame de Paris. Sur cette route, se trouve un premier dépôt de poste qui deviendra relais de postes royales, déclaré ouvert aux voyageurs. Il sera situé dans une dépendance de l'ancien château seigneurial "l'auberge de la chasse royale".
Au XVIII° siècle, Franconville connait un bel essor. Le village devient un lieu recherché des parisiens. De belles propriétés vont s’échelonner le long de la route. Le vieux château seigneurial des Batestes est remplacé par le château du comte de Longaunay en 1780. Dès l’entrée du pays et face à l’église, nous avons le domaine de Monsieur Velut de la Crosnière, aujourd’hui maison Suger. Au bas de la côte Saint Marc, César-François Cassini fait construire en 1770 son petit château vendu en 1781 au comte d’Albon, célèbre pour les jardins qu’il y installe. Franconville se développe sur le grand chemin de Pontoise. Il est jalonné de maisons jusqu’à la rue Jean Leblond, autrefois rue du Croissant puis des jeunes blonds.
Franconville est relié aux villages alentours par des chemins à travers champs :
- Face à l’église, un chemin se dirige vers Cernay.
- Sur la droite, le chemin du moulin de la Ribaudière avec son moulin du Gué. Ce chemin s'appelle aujourd’hui "rue de la station".
- Ensuite, il continue par le chemin de la ruelle Cardot qui nous mène au Plessis-Bouchard, après être passé à la croix de la petite mare.
- Au bas de la côte St Marc, le chemin de la "croix d’en bas" pour se diriger vers Taverny.
- Sur la gauche, des chemins se dirigent vers la colline et les cultures.
A la fin du règne de Louis XVI, la paroisse est pauvre. Les chemins menant aux paroisses voisines, mal entretenus, sont difficilement praticables. En juillet 1789, les pillards dévastent les récoltes et pillent les villageois. Un canon est placé à chaque extrémité de la paroisse. Ces deux canons proviennent de la propriété du marquis de Myons. Des hommes armés protègent les voitures transportant des farines vers Paris, l’insécurité régnant sur la route.
Au XIX° et XX° siècle
Ces chemins vont s’améliorer, s’élargir et s’empierrer. En 1826, ces voies sont facilement praticables et il est installé sur le "Grand chemin de Pontoise", un éclairage avec six lampes à huile. À compter de 1838, le nombre de ces lanternes ira en progressant.
La route devant Sainte Madeleine est élargie et une place est créée. Cet aménagement est rendu possible en 1813 après l’arrêt de l'utilisation du cimetière implanté devant l’ancienne église. Les ossements sont extraits en 1832. Á partir de l’église et en direction de Sannois, la route est bordée d'arbres en 1895.
Au bas de la Côte Saint Marc, le ru des Espérances traverse la voie qui est franchie par un gué fait de grandes dalles, pour rejoindre un abreuvoir près d’une forge, puis traverse la plaine vers la mare des Noues. En 1850, le gué est supprimé et le ru est canalisé.
Le boulevard Maurice Berteaux, nommé à sa création boulevard de la mairie, fut percé en 1869 jusqu’au boulevard Toussaint Lucas, petit chemin transversal à cette époque. Il sera prolongé en 1904 pour se rendre à la gare. En 1904, des tilleuls sont plantés à la côte Saint Marc. En 1913, le pavage est refait et des trottoirs sont aménagés. Il est décidé en 1926 le remplacement des becs de gaz encore en service par un éclairage électrique public. 1928 verra le projet d’arrivée d’eau à la côte Saint Marc. La circulation est intense. Il est dénombré le 10 mai 1930, un dimanche soir entre 18 et 20 heures, le passage de 2062 véhicules dans la commune. Le 16 novembre 1935, les commerçants de la rue de Paris, réunis dans la salle du "Cheval Rouge", adressent une protestation au Ministre des Travaux Publics contre le projet de construction d’une déviation de la rue principale. Juillet 1939, la côte Saint Marc est enfin électrifiée.
En 1948, après la libération, la rue de Paris va être débaptisée. Elle gardera son nom, de l’église à la limite de Sannois au lieu dit de la "Croix rouge". De l’église à la limite de Montigny, elle deviendra "la rue du Général Leclerc". L’inauguration a lieu le 21 août 1948 et une plaque fut fixée sur le mur d'une maison située face au boulevard Maurice Berteaux.
Le 19 septembre 1953, un projet de déviation de la RN 14 commence à voir le jour. Le 18 mars 1957, se réunit en mairie une commission arbitrale pour les expropriations dues à la déviation de la route nationale. Les travaux pour la construction de cette déviation de Sannois-Franconville commencent le 7 août 1958.
1961, c’est le début d’une décennie qui va voir se réaliser la démolition et la rénovation du centre ville et un autre visage pour la rue du Général Leclerc. Franconville était de l’église à la côte Saint Marc, un bourg à l’aspect rural avec ses vieux bâtiments de fermes, ses maisons vétustes, sans confort, serrées les unes contre les autres. La route nationale était devenue impraticable au trafic toujours plus dense et à l’évidence, elle ne répondait plus aux besoins d’une commune en pleine expansion. Le 19 juin 1961, ouverture du chantier de la déviation RN 14 à flanc de colline sur une longueur de 5814 m. Les engins ultramodernes édifient des remblais élevés et creusent des tranchées de grande profondeur. Un seul pont en construction rue de l’Ermitage. 280 000 m3 de terre ont été transportés. 1963 sera le début des démolitions de la rue de Paris et l’achèvement de la déviation en février.
Une autoroute de dégagement du nord-ouest de la région parisienne nommée A15 reliera Paris au Havre via Rouen. La déclaration d’utilité publique a été prononcée le 26 février 1969. La libération des emprises a commencé en 1970 et s’est achevée en 1975. Les dotations financières attribuées ont permis de respecter l’échéancier de réalisation : juillet 1974 pour la section Sannois Franconville, été 1975 pour la section Franconville Herblay.
Cette section, d’une longueur de 4,5 kilomètres, se confond sensiblement avec le tracé de l’ancienne déviation de la RN14 construite en 1963. Une section empruntera la déviation de Sannois Franconville par un dédoublement de celle-ci. Les travaux ont dû supporter de très nombreuses contraintes, dont la nécessité absolue de maintenir deux fois deux voies pour écouler une circulation très importante (de l’ordre de 30000 véhicules jour).
Près d’un million de mètres cubes de terre ont dû être déplacés pour les terrassements. Les chaussées représentent 120000 m3 de matériaux élaborés, 40000 tonnes de béton bitumeux et recouvrent seize hectares. Pour les ouvrages d’art, 900 tonnes d’acier et 135 tonnes de câbles de précontrainte ont été noyés dans 20000 m3 de béton. Cette section, dont le tracé longe à mi-pente le versant nord de la butte de Cormeilles, a causé de grandes difficultés en matière de stabilité des talus. En effet, les eaux s’infiltrant dans la couche géologique des sables de "Fontainebleau" sont arrêtés par des couches imperméables de marnes vertes et grises et réapparaissent au niveau de l’autoroute. Il a donc fallu prévoir des dispositions spéciales pour assurer la stabilité de ces talus. La section Franconville Herblay a une longueur de 3 kilomètres, longe le flanc de la butte de Cormeilles. Elle se situe dans la zone où les couches de la coupe géologique-type sont éboulées et mélangées. Les terrassements, d’un volume de plus d’un million de mètres cubes, ont été effectués dans des sols hétérogènes et gorgés d’eau.
Cette autoroute sera ouverte par tronçons de 1974 à 1977. En 1990, l’autoroute absorbe 30 millions de véhicules pour l’année et sa saturation sur le viaduc sur la Seine nécessitera une étude en 1988. Mise en chantier en 1991 et inaugurée en 1992, la mise en service deux fois quatre voies sera faite au printemps 1993.
Que de chemins parcourus en deux mille ans d’histoire, du chemin gaulois à l’autoroute que nous connaissons. Quelle sera la prochaine étape ?
Sources :Archives municipales, Mataigne, Documents D.D.E.